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FORDISME ET TAYLORISME DANS LES ECONOMIES DE TYPE SOVIETIQUE

UNIVERSITE DE PARIS IX DAUPHINE

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U.E.R. ECONOMIE APPLIQUE

MAITRISE ECONOMIE MONETAIRE ET ECONOMIE DE DEVELOPPEMENT

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ANNEE UNIVERSITAIRE

1982 – 1983

SEMAIKNRE DE MR. DRACH

ANALYSE COMPARATIVE DES SYSTEMES ECONOMIQUES

SUJET A TRAITER :

FORDISME ET TAYLORISME DANS LES ECONOMIES DE TYPE SOVIETIQUE

ETUDIANT : DABO SANOUSSY

DAUPHINE MAI 1983


LE TAYLORISME – FORDISME DANS LES E.T.S.

PLAN

Introduction

Un essai de définition du taylorisme, du fordisme

Première Partie

LE CONTEXTE DU TAYLORISME DANS LES E.T.S.

- Le principe socialiste : « le travail émancipe l’homme » semble contredît avec cette méthode.

- Pourquoi Lénine, après avoir critiqué le système, Taylor l’a approuvé et a tenté de la faire appliquer ?

- Etape décisive mais provisoire pour sortir de la crise.

- Problème conjoncture/structures.

Deuxième Partie

LE TAYLORISME-FORDISME A L’EPREUVE DES FAITS

- Historique : avant la NEP, durant la NEF, réforme 65 et depuis.

- Organisations partisanes du système Taylor, et opposés.

- Inertie de la classe ouvrière.

- Pourquoi le taylorisme est-il inefficace ? Tentative d’explication par « l’arythmique »

CONCLUSION

BIBLIOGRAPHIE

1.. « Dictionnaire économique et social »

2. SOCHOR : « Soviet Taylorisme Revisted »

3. LINHART : « Crise du travail et non – lieu du fordisme dans les ETS  »

4 .VOSLENSKY : « La nomenklatura » Belfond.

5 .CARRERE D’ENCAUSSE : « Le pouvoir confisqué »

6. F. COHEN : « Les Soviétiques » classes et société en URSS 1974 –ETS.

7. C. BTTELHEIM : «  Lutte des classes » Tome I

8. M. LAVIGNE : « Les économies socialises »

9. Revue URGENE : « Taylorisme et fordisme dans les E .T .S. »

10. Revue TRAVAIL : M. DRACH

INTRODUCTION

Le développement du capitalisme a de plus en plus exigé l’élaboration de techniques nouvelles en matière de production dans le seul but d’augmenter la productivité. Afin d’atteindre cet objectif purement économique, divers procédés ont été mis au point par le capital pour assujettir chaque travailleur à une tâche déterminée et pour qu’i accomplisse cette tâche dans un minimum de temps. C’est ainsi que sont apparus le taylorisme puis le Fordisme. Leur application dans système capitaliste ne s’est pas faite sans résistance de la part des travailleurs, elle a aussi soulevé des critiques dans le monde de conceptiondifférente du capitalisme qui ne voyait qu’une étape nouvelle de déshumanisation du travailleur. Quelques années plus tard la surprise vient de cet autre monde qu’était l’URSS après la révolution d’octobre. On assiste à un revirement des conceptions originelles quant au taylorisme fordisme, ce pays « adapte » ou tente d’adapter, à ses réalités socio-économiques ces méthodes d’organisation du travail.

Pour tenter de répondre à la question de savoir si ce système scientifique a été appliqué et de façon efficace dans les Economies de type soviétiques nous tenterons d’abord de définir ce qu’était le taylorisme en système capitaliste, nous analyserons ensuite les raisons de son introduction dans les E. T. S., ses formes d’adaptation et nous confronterons les principes théoriques aux faits.


UN ESSAI DE DEFINITION

Le taylorisme est un système ayant pour but la recherche de l’efficacité technique maximale dans le travail réalisé par l’homme au sein de l’entreprise.

Le taylorisme doit ses principes de base à F.W. Taylor ( 1856-1915) qui a érigé son système entre 1903 et 1909 après un quart de siècle d’expérimentation dans plusieurs grandes firmes américaines. A cette époque, aux Etats-Unis, comme dans l’ensemble des pays industrialisés, le capitalisme connaissait une véritable deuxième « révolution industrielle » et passait (selon les rythmes et les modalités ) par une contradiction croissante entre la concentration du capital, avec de plus grandes unités de production , pour de plus grandes exigences de profit, et la montée de la conscience de classe cher les travailleurs.

L’originalité de Taylor est d’avoir compris que, décupler l’exploitation , il fallait radicalement transformer les conditions de mise en valeur du travail qui demeurait encore «  individualisé » pour se prêter à l’intensification gigantesque qu’exigeait désormais le capital accumulé. Son système repose sur deux principes fondamentaux.

- transformer les conditions dans lesquelles le travail s’exerce et

- modifier les idées des travailleurs.

La réorganisation du travail dans l’usine consiste à .

- modifier l’agencement des travail dans ateliers pour les adapter au déroulement de

la production selon un cycle contenu et fractionner l’ensemble du travail en tâches élémentaires, précisément définies, qui seront attribuées à des ouvriers étroitement spécialisés. L’embauche et l’affectation se font non plus sur la base de la qualification globale des travailleurs, mais sur leur attitude à effectuer un type précis de travail.

- Fixer après chronométrage, comme normes obligatoires des cadences plus rapides pour chaque tâche et mettre au point de nouvelles formules de salaires (salaires de base avec primes et amandes) qui soient susceptibles de jouer un rôle d’incitation sans élever les coûts de la main-d’œuvre

- Intégrer dans le système la dimension de l’idéologie. C’est l’appariation, nouvelle à cette époque, de la « part du gâteau », conception qui s’efforce de faire admettre que l’intérêt des patrons et des travailleurs est d’assurer conjointement l’avenir du système.

Connu en France dès 1907, le taylorisme s’y est développé au rythme des difficultés que le capital rencontrait dans sa mise en valeur. Il a progressé surtout pendant la crise des années trente. Cependant sa généralisation à l’industrie française s’est située dans les années cinquante et parfois même plus tard pour certaines branches. Aujourd’hui le taylorisme est en crise. Toutefois, l’expérience de certaines entreprises montre qu’il peut encore connaître de nouveaux développements sur des bases inédites lorsque le patronat parvient à l’ajuster aux aspirations actuelles des travailleurs. Le taylorisme constitue incontestablement un stade extrême de la parcellisation du travail et de la surexploitation. On ne peut cependant en déduire qu’il pulvérise la classe ouvrière car, en même temps qu’il multiplie les catégories et diversifie les situations, le taylorisme a très fortement accentué la socialisation du travail. C’est ainsi,, par exemple, que le fonctionnement de toute une entreprise est devenu plus dépendant du travail de chacune de ses composantes. Si la situation des travailleurs est plus fragmentée qu’avant le taylorisme, leur appartenance à une force de travail collective est allée, par contre, en se renforçant.

Dans la foulée du taylorisme, le fordisme est une étape théorique élaborée. Le travail à la chaîne a été conçu et développé aux U.S.A. au début du vingtième siècle, d’abord dans les grands - abattoirs, puis dans l’industrie automobile (entreprise FORD, dans le cadre de ce que l’on a appelé le fordisme). C’est un mode d’organisation du travail qui se situe dans le prolongement du taylorisme. Sous sa forme la plus classique le travail à la chaîne concerne le montage et s’analyse donc comme une ligne de montage, mais il y a aussi des lignes d’usinage, plus tardives.

Tout comme l’organisation scientifique du Travail, le fordisme consiste à décomposer le procès du travail global en une série de procès élémentaires, successifs et continus il repose donc sur une division du travail très poussée (« travail en miettes »). L’objet de travail doit subir toutes les transformations voulues au cours des différentes séquences qui se déroulent en principe sans discontinuité. Selon Ford, dans l’industrie automobile, c’est un ouvrier donné qui pose constamment les deux roues, c’est un autre qui commence à serrer les écrous, un troisième qui achève le serrage, etc.…

Le fordisme qui, s’assimilant au travail à la chaîne est devenu très rapidement un mode d’organisation généralisé dans les grandes firmes modernes. Sa supériorité sur les anciens modes est restée presque indiscutée pendant plusieurs décennies.

L’analyse faite par G. Friedman est de taille car elle dégage une triple dimension du fordisme.

C’est d’abord un fait technique (avec la mobilité des éléments du travail et de L’opérateur les uns par rapport à L’autre).

C’est ensuite un fait psychologique avec la prépondérance d’un travail monotone, émiette, à rythme obligatoire et collectif.

C’est enfin un fait sociologique et car le fordisme constitue aussi un groupe avec ses caractéristiques propres.

Le fordisme favorise l’épanouissement des tendances profondes du capitalisme et entraîne de ce fait de très profondes incidences sur le travail lui-même : éclatement du travail , dégradation de l’apprentissage , inachèvement des tâches développant des sentiments de frustration, suppression complète des initiatives et des libertés de manœuvre, très grande monotonie, déqualification très accentuée avec prépondérance de l’ouvrier spécialisé ; iI est évident que dans les sociétés capitalistes la distinction entre les différentes catégories de classes se fait sentir dans tous les comportements d’où l’élévation sans cesse d croissante de la propension marginale à consommer des ouvriers par rapport à celle des individus « riches » le fordisme offre ainsi la possibilité aux ouvriers de se procurer, au sein de l’usine même, des produits qu’ils fabriquent, moyennant une convention de paie échelonnée dans le temps.

La hausse de la productivité est le résultat du fordisme, l’accès des ouvriers aux gains de productivité garantit l’objectif de profit du fordisme, car, mise à part, la société de consommation, les ouvriers élargissent les normes de cette consommation.

Forme de travail parmi les plus modernes mais aussi les plus inhumaines, le fordisme a représenté une solution contradictoire des problèmes posés au capitalisme à la fin du dix neuvième siècle. Il fallait abaisser le coût de la production par la division du travail et augmenter le rendement en intensifiant le travail. Mais cet objectif ne pouvait être atteint durablement que si c’était réalisée en temps une double condition :

- une condition technique par la mécanisation du travail humain à un haut degré et

– une condition humaine et sociale par l’acceptation, de cette nouvelle forme d’organisation, par les travailleurs.

De manière durable, cette double condition ne peut être réunie, notamment la condition humaine qui exprime l’adaptation au fordisme. Pire, il ne constitue par un facteur d’émancipation dans aucun des systèmes qui l’ont adopté.

1ère Partie

LE CONTEXTE DU TAYLORISME DANS LES ETS

Au lendemain de la Révolution d’Octobre en Russie, il fallait avant tout remettre en marche l’administration qui avait été mise en place au cours des siècles, par les tsaristes, pour maintenir leur domination. Il semblait évident qu’elle ne pourrait pas servir la révolution. Il fallait, comme l’écrivait Lénine, « la briser », « la détruire », et construire  à sa place un Etat nouveau, un Etat de travailleurs qui défendrait leurs intérêts.

« De simples gens venus des usines, des fabriques, de la terre, des navires et des unités militaires prenaient part à la direction de l’Etat » (I).

Ils manquaient d’expérience et de connaissances, les difficultés à surmonter étaient immenses mais l’enthousiasme révolutionnaire, la volonté, l’ardent désir d’accomplir les missions confiées par le Parti, les ont aidés dans cette tâche. Toutes les couches sociales s’étaient différemment mobilisées mais ensemble contre le pouvoir féodal (les ouvriers des villes qui étaient très politisés, les paysans représentant 82 % de la population, la petite bourgeoisie et la bourgeoisie qui, pour développer l’économie, veut se débarrasser des tsars). Tous ensemble ils ont accompli une « grande œuvre historique » en conquérant ce pouvoir politique. Encore fallait-il retirer à la haute bourgeoisie sa puissance économique, et s’emparer des postes de commande de l’économie nationale. Ce fut grâce à l’abolition de la propriété sur la terre qui fut remise aux paysans, et aux nationalisations des banques, aux licenciements des hauts fonctionnaires, puis en procédant graduellement à la nationalisation des grandes entreprises industrielles en novembre et décembre 1917.

Puis il a fallu apprendre à gérer l’économie, à organiser la production et la répartition au mieux des intérêts et par le peuple la même.

Au début de 1918 Lénine a .exposé un plan pour bâtir les fondements de l’économie socialiste dans plusieurs ouvrages et notamment dans : « Les tâches immédiates du pouvoir des soviets ».

Il y affirme que la classe ouvrière étant incapable de gérer les entreprises nationalisées cette gestion doit être transférée à des organes étatiques Après avoir réaffirmé la nécessité de renforcer la discipline de travail et d’accroître la productivité, il fait l’apologie des méthodes capitalo-bourgeoisies d’organisation scientifique du travail.

« Il s’agit, dit-il, d’introduire le salaire aux pièces, d’appliquer les nombreux éléments scientifiques et progressifs que contient le système TAYLOR, de proportionner les salaires au bilan général du travail de telle fabrique et aux résultats de l’exploitation des chemins de fer, des transports par eaux etc.… Il s’agit d’organiser l’émulation entre les différentes communes et production et de consommation, de bien choisir les organisateurs… »

A ces méthodes bourgeoises d’O.S.T., Lénine ajoute le principe de la dictature du prolétariat. Cette dictature doit être impitoyable, aussi bien contre les ennemies du peuple que contre les travailleurs qui violent la discipline du travail. Sa pensée est claire. Les contrôles et les punitions doivent conduire les ouvriers à faire preuve d’une plus grande productivité a a service de l’Etat soviétique. Da ns la 1ère édition des « tâches… » Lénine veut démontrer qu’il faut extirper des masses, l’attitude de passivité vis-à-vis de l’Etat et des dirigeants de l’économie, et qu’il faut leur inculquer une attitude de soumission vis-à-vis des techniciens et des dirigeants du procès-verbal de travail.

« La soumission pendant le travail, (et une soumission absolue) aux ordres personnels des dirigeants soviétiques, dictateurs élus ou nommés par les institutions soviétiques, investis de pleins pouvoirs dictatoriaux est assurée d’une façon encore très insuffisante. Là se manifeste. Là se manifeste l’influence de l’élément petit-bourgeois, des habitudes, des aspirations et de la mentalité des petits propriétaires, qui sont en contradiction avec la discipline prolétarienne et le socialisme ».

Dans la première édition Lénine affirme que le taylorisme dans le socialisme peut aider les travailleurs :

« Nous, nous devons porter (les statistiques) dans les masses, les populariser pour que les travailleurs apprennent peu à peu à voir et à comprendre eux-mêmes comment et combien il faut travailler, comment et combien on peut se reposer… La soumission sans réserve à une volonté unique est absolument indispensable pour le succès d’un travail organisé sur le modèle de la grande industrie mécanique. Aujourd’hui la révolution exige dans l’intérêt du socialisme, que les masses obéissent sans réserve à la volonté unique des dirigeants du travail.

Il ajoute : «le système Taylor allié à la cruauté raffinée de l’exploitation bourgeoise aux conquêtes scientifiques les plus précieuses concernant l’analyse des mouvements malhabiles, superflus, l’élaboration de méthodes de travail plus rationnelles, etc.… La république des soviets doit faire sienne, coûte que coûte, les conquêtes les plus précieuses de la science et de la technique dans ce domaine.

Nous pourrons réaliser le socialisme dans la mesure où nous aurons réussi à combiner le pouvoir des soviets et le système soviétique de gestion avec les plus récents progrès du capitalisme ».

(28 avril 1918) Lénine présente un effort de spécification du taylorisme scientifique, il met en avant la réduction de la durée du temps de travail qu’il pourra engendrer, par là même la fonction libératrice du système, qu’il espère voir les travailleurs s’attribuer.

En 1922 : « S’ils sont suffisamment conscients » écrit-il, il pense que l’O.S.T. dans le socialisme leur permettrait de participer concrètement à la direction des affaires de l’Etat. Lénine luttera jusqu’au bout contre le bureaucratisme dont il verra grandir la menace.

On voit que Lénine ne fait que réaffirmer sa conception d’une société élitiste, d’une élite intellectuelle devant inculquer la conscience de classe à la classe ouvrière qui doit consacrer deux heures de son temps libre à la direction des affaires de l’Etat après ses huit heures de travail. Plus tard, il reculera puisqu’il demandera 10h/jour aux ouvriers et laissera des « spécialistes » s’occuper de l’Etat. Les classes ouvrière et paysanne sont très souvent considérées comme incapables de comprendre le chemin de leur bien être. C’est un élite qu’il appartient, en dernier ressort, de gérer les affaires du peuple.

Dans la conception marxiste c’est pourtant le travail qui est seul créateur de la valeur et donc seule source de croissance : le capital n’est pas un facteur autonome il contribue à la croissance par le fait qu’il élève la productivité du travail.

Marie Lavigne écrit (I) :

« La productivité du travail varie sous l’influence de divers facteurs dont les plus importants sont :

- Le montant du capital utilisé par travailleur

- Le progrès technique et

- L’amélioration qualitative du travail par le développement de l’éducation… »

Ce dernier point est essentiel dans les E.T.S., on essai par des discours, des affiches de convaincre « chaque citoyen soviétique d’éveiller en lui un sentiment de propriétaire, aussi est-il persuadé, obligé de travailler sans répit afin d’enrichir l’Etat soviétique. L’attitude face au progrès technique, dans les faits, pas dans les discours, est exactement l’inverse de celle du capitalisme : lorsqu’une découverte scientifique a été faite, le capitalisme doit résoudre le problème de l’espionnage industriel, le socialisme « réel » celui de l’introduction. »

Alors que dans les principes marxistes le travail permet l’émancipation de l’homme, l’URSS a tenté d’introduire des méthodes d’organisation, de rationalisation du travail qui, on le savait déjà, avilissaient l’ouvrier. Car on pratique une dichotomie élaboration/exécution des tâches, une parcellisation du travail qui désintéresse les travailleurs.

Lénine avant la révolution d’octobre critique le système Taylor ; en effet le taylorisme, dès 1913, s’introduit en Russie où il existe de nombreux facteurs favorables : existence de grandes entreprises industrielles aux mains du capital étranger. Elles y utilisent une main-d’œuvre massive, non qualifiée, arrivant des campagnes ; avec des « conditions terroristes » d’exploitation de la classe ouvrière. A cette époque, Lénine écrit, dans la Pravda, que le taylorisme est un système scientifique pour « pressurer l’ouvrier », qui l’épuise physiquement, accroît l’exploitation et constitue l’une des causes du chômage.

« Tous ces perfectionnements poussés se font contre l’ouvrier ; ils visent à l’écraser et à l’asservir encore davantage..»

Lénine a compris que le système Taylor est une rationalisation du procès de travail Industriel, mais il lui reproche de n’être dans le capitalisme réduit qu’à une arme supplémentaire pour l’exploitation. Il affirme qu’avec une dictature du prolétariat le Taylorisme pourrait « réduire de quatre fois le temps de travail de bien-être que Maintenant »

On peut se demander pourquoi Lénine a changé d’opinion ne fois au pouvoir, en adoptant ce système toujours avilissant, même sous cette dictature du prolétariat. Il répond lui-même à cette interrogation : « La guerre est exonérable. Elle pose la question avec une âpreté implacable : ou bien périr ou bien rattraper les pays avancés et les dépasser au point de vue économique.

Périr ou s’élancer en avant à toute vapeur. » Staline reprendra cette idée en affirmant : « Rattrapons le retard en matière guerrière, faute de quoi nous serons broyés. »

Pour Lénine se posait, sérieusement, le problème d’analyser la « dialectique torture progrès ». Dès 1917, Lénine, différents travaux, semble très préoccupé par l’accroissement de la productivité du travail ; or c’est une des fonctions positives du système Taylor. Il pense que la journée de travail peut être réduite par la « rationalisation », débarrassée du gaspillage dont le capitalisme l’a grevée.

« On acceptera d’aggraver la division entre travail manuel et travail intellectuel et de renforcer la structure autoritaire du procès de travail si cela apparaîtrait comme la condition d’une efficience bien supérieure du travail productif, donc du raccourcissement du temps de travail, donc la participation du prolétariat aux tâches politiques et aux affaires de l’Etat, objectif principal pour le moment. »

Donc, avant même la révolution Lénine est prêt à accueillir la taylorisation du travail industriel. La situation économique, guerrière lui donneront l’occasion de montrer qu’il n’avait pas tort ; d’autant plus que, comme opposant il ne rencontre que les mencheviks et la petite minorité d’ouvriers qualifiés (essentiellement des cheminots et des typographes) alors qu’en occident toute la classe ouvrière, et surtout l’élite réagissent.

En URSS, en 1921 fut réunie la question de savoir comment on pouvait « obtenir dans la société socialiste des performances optimales avec le maximum de joie dans le travail. »

Lénine considérait l’accroissement de la production comme la condition décisive pour la victoire do socialisme sur le capitalisme. En effet pour sortir l’URSS de la crise économique qu’elle subissait et pour gagner la guerre il fallait, pour démarrer l’industrialisation, employer toutes les méthodes possibles même si c’était au prix de mauvaises conditions de travail, au prix de contradictions avec les principes théoriques. Ce ne devait qu’être provisoire, durant la période de transition entre la capitalisme tsariste et le socialisme, affirmaient officiellement les autorités soviétiques.

Tout ce processus s’est figé. Le contrôle n’est pas arrivé à coordonner l’économie. Il y a avait des urgences, la guerre civile, la guerre mondiale. « Il fallait faire quelque chose » car dans son essence, le taylorisme c’est la bureaucratisation du procès de travail, la multiplication des fonctions de contrôle, des calculs.

Lénine semble astreint à changer de ton car « les évènements se précipitent » la guerre, la famine, l’aggravation du chaos économique, l’épreuve de force dans les chemins de fer déterminent une conception plus rigoureuse de la discipline du travail, le recours à la pratique de directions individuelles imposées (contraire à l’autogestion énoncée dans les principes), de mesure coercitives.

2ème Partie

LE TAYLORISME – FORDISME A L’EDPREUVE DES FAITS

Aussi surprenant que cela puisse paraître, l’idée d’un taylorisme soviétique est antérieure à la révolution. Nous avons vu que son introduction remonte à 1913. Lénine en parle d’abord en 1915 puis surtout en 1918 ; c’est cette même année que le Conseil central des syndicats décide d’étendre le salaire aux pièces et les primes de rendement existant déjà bien avant la N.E.P. Cette extension s’accompagne en fait d’un projet de « différenciation des taux de salaire ». Ensuite, en 1920, on préconiser de considérer comme légitime le seul travail rémunéré selon une certaines « norme ». Ce qui parce dans les propos de l’époque et un certain de productivité, mais les « gauchistes » (Boukharine en tête) considèrent ces méthodes comme une restauration de la gestion capitaliste et bourgeoise des entreprises.

Cette différenciation des salaires (passant de 1,75 en 18 à 2,0 en 1919) suivant le degré de responsabilité ou de qualification est un préliminaire à l’instauration d’un corps de maîtrise que l’on veut fonctionnel et hiérarchisé, élément déterminant d’une C.S.T. (au sens taylorien du terme).

C’est à cette période que fut crée le Narkomtroud (commissariat du peuple au travail), son objectif est :

- de fixer les règles de discipline du travail (ceci étant préalable à l’établissement de tout programme visant à augmenter la productivité au moyen du taylorisme ou par un autre moyen).

- De veiller à ce que les dirigeants bourgeois des usines n’abusent pas de leur autorité (le collège principal du Narkomtroud est composé de représentants syndicaux).

Un peu plus tard vient la N.E.P. Elle ne remet pas en cause la soumission de rémunération ouvrière à des rendements quelquefois normés. La N.E.P. (nouvelle politique économique), de par le fait qu’elle encourageait, au moins momentanément, (se pose donc dès cette époque le problème de l’antagonisme conjoncture/structure), l’initiative privée et donnait du lest aux entreprises, quant à l’utilisation de leur matériel et à la décision locale, ne contrecarrait pas du tout le système de salaire aux pièces, des primes et des normes ; bien au contraire la priorité était à la productivité et la NEP venait donc renforcer l’arsenal de mesures prises dès avant mars 21 en vue d’améliorer (continûment) la productivité.

Cependant cette élaboration d’un cadre, au demeurant optimal pour extraire une quantité de surtravail chaque fois accrue, n’est pas sans soulever des remous. En 1923, un certain Kersensev, fondateur de la Ligue du Temps ouvre le débat sur l’opportunité d’accorder tous les pouvoirs à une élite chargée de fixer scientifiquement les normes, cette élite étant représentée par le C.I.T. (institut central du travail), crée par Gastev, ouvrier. La victoire de la branche O.S.T. de Gastev ne l’empêcha pas de connaître une certaine désaffection et jusqu’en 1959, l’O.S.T. resta en sommeil en URSS, néanmoins cela n’entraînait pas la disparition der la rémunération aux pièces, ni celle des normes. Il faut noter que le débat C.I./Ligue du Temps n’a pas port » sur la question de savoir si le taylorisme - fordisme correspondait aux idéaux d’une formation sociale socialiste mais plutôt sur ceux qui définissaient les normes

Suite à ce constat de décrochage prononce de la productivité soviétique vis-à-vis de celle du monde occidental, les recherches sur l’O.S.T. reprennent en 1959. En ce qui concerne les normes, essentielles pour dégager une productivité suffisante, elles sont fixées de deux manières :

- d’une manière statistique, de par l’analyse sur les lieux du travail du temps et de l’économie de gestes nécessaires à l’accomplissement d’une tâche parcellisée

- d’une manière technique en se fondant sur une analyse in vitro, des données théoriques intéressant le genre de mouvements requis pour une tâche parcellaire précise.

Pour que le fordisme puisse avoir lieu, il faut que le taylorisme soit déjà réalisé, or en URSS on remarque que l’inertie de la classe ouvrière est évidente.


L’INERTIE DE LA CLASSE OUVRIERE

- le mode de mobilisation de la main-d’œuvre procédait de diverses contraintes (administratives, idéologiques, répressives)-

- l’emploi étant garanti en URSS, le rapport sur le « marché du travail » (si tant est qu’il existe) sera toujours en faveur du salarié ; ce qui n’aide pas à l’affectation optimale du facteur travail,ni à la reconduction des conditions objectives dans lesquelles le procès d’extraction du surtravail s’effectue en économie capitaliste. A ceci vient s’ajouter la mobilité très importante des travailleurs (turn-over très important qui est la conséquence de la garantie d’avoir un travail).

On note aussi une contradiction apparente dans le fait que malgré la pénurie de travailleurs il existe de la main-d’œuvre en surnombre, ceci pour qcquérir une certaine « souplesse » afin de suivre les variations de plan de production entre le début et la fin de période. Cette souplesse aurait pu être acquise par une meilleure organisation, car là, elle se fait au détriment du rendement et de l’efficacité. Il existe également un faible contrôle des conditions de reproduction de la force de travail avec comme corollaire les marchés de diverses teintes plus ou moins sombres suivant leur caractère plus ou moins licite.

Ceci nous entraîne à remettre en cause l’existence en E.T.S. (particulièrement en URSS) d’un taylorisme réel, le taylorisme ne pouvant être concrètement mis en œuvre que dans le cadre d’un rapport salaire « pur ». Or nous remarquons que la norme de consommation qui doit être conséquente est au contraire faible dans les E.T.S. du fait d’un développement par le haut, c'est-à-dire axée sur la section I (industrie des biens de production) de ceci il découle que la consommation connaît une limite inférieur à la demande effective (masse des salaires distribués.).

Ce désajustement entre demande effective et consommation est encore accentué par les manipulations et les réticences des ouvriers face aux accroissements des normes ; malgré tout ils peuvent « s’arranger » pour accaparer une part plus importante des gains de productivité que ce qui a été officiellement fixé. Comme conséquence, il y a désajustement entre consommation et gains de productivité (fermeture des ciseaux). La condition première du passage au fordisme n’est déjà pas remplie.

INEFFICACITE DU SYSTEME PAR L’ARYTHMIQUE

Ce qui se produit au lieu d’un taylorisme réel, c’est un taylorisme dit « arythmique ». Du fait de la rigidité de la planification centrale, chaque entreprise essaie de remplir coûte que coûte son plan , ce qui a comme effet, un désajustement entre l’offre d’une entreprise et la demande qui lui est adressée par d’autres entreprises, avec son « cortège » d’approvisionnements irréguliers.

Comme solution à cette irrégularité, il y a une volonté de mécaniser les transports internes, cette mécanisation est cependant partielle mais l’un des objectifs de grains de productivité par rationalisation des processus auxiliaires est, pour ainsi dire axée sur la reconduction de la non - mécanisation. Par exemple en 1965, 50% de la main-d’œuvre industrielle était composée d’auxiliaires chargés de l’entretien, de la déserte des postes de travail et de la manutention, du magasinage et du contrôle technique.

Cette rationalité est donc peu adaptée à la rationalité taylorienne qui, de par son productivisme, vise à éliminer la perte de temps, car il est bien vrai que la mécanisation d’une tâche se fait dans le sens d’un grain de temps.

Cette perte de temps est un facteur important pour comprendre la faiblesse relative du rendement du travail en E.T.S. Les changements d’équipe prennent 15 à 20% du temps de travail, les ruptures diverses de stocks de matières premières, de pièces détachées représentent 28% du temps perdu, le pannes d’équipement 27% l’absence d’outils 9,3% et l’attente des moyens de transport 5,3%. L’inertie des dirigeants d’entreprise pour installer des machines pus performantes (robots ; etc.… est assez connue, l’objectif étant la réalisation à tout prix du plan, un arrêt prolongé risquerait de la compromettre.

Les dirigeants sont conscients du fait que le fordisme par un taylorisme accompli, aussi font-ils de leur mieux pour rectifier ce taylorisme que d’aucuns qualifient de précaire.

Aussi ont-ils analysé le problème et conclu que l’optimum en matière de travail accompli passait par :

- une réduction du nombre de travailleurs (à cause de l’important excédent) mais cette décision

- se heurterait à l’opposition systématique du comité syndical de l’entreprise, et si elle était réalisée

- provoquerait un désajustement dans le fond de salaire et entraînera&it une difficulté de reclassement des ouvriers licenciés (ceci du fait surtout de la garantie obligation du travail).

- Une utilisation plus intensive des équipements qui tournent à faible capacité (coefficient : 1,3 en 1974) à noter que l’âge moyen avancé des équipements peut en partie expliquer cette faible cadence, les machines vétustes ne supporteraient pas des cadences accélérées.

En fait le constat est celui de la non occurrence du taylorisme et par conséquent de l’inexistence d’entre des conditions objectives à la réalisation du fordisme. Eu égard contexte actuel des E.T.S., caractérisé par une mauvaise organisation, une rigidité de l’appareil de décision, l’inexistence d’entreprises en tant que « centre de décision » capable de se doter d’une stratégie autonome, le manque d’autonomie des agents économiques, etc.… Le processus d’application du taylorisme fordisme réel est à proprement parler anti-systémique.

- soit on adapte le taylorisme au contexte des E.T. S (ce qui a été tenté sans grand succès) et en ce on n’a plus qu’un ersatz de taylorisme ;

- soit on adapte les E.T.S. au taylorisme – fordisme et en ce cas n’est plus une E.T.S.

Nous avons suffisamment parlé des accommodements subis par le taylorisme fordisme. Il faut se demander si les E.T.S. pourront supporter des modifications de structure sans en modifier le système pour que le « cercle vertueux » du fordisme puisse être instauré.

Ceci fera l’objet de notre conclusion.


Conclusion

Pour sortir de cette crise du taylorisme dans les E. T. S deux voies sont ouvertes :

- une voie politico -répressive ou

- une voie économique qui signifie

* L’aménagement de l’aspect humain du procès de travail, avec des brigades sous contrat, une politique des salaires plus concrète.

* Une automatisation effective de ce procès de travail pour remplacer la pseudo mécanisation – automatisation dont nous avons vu les effets inefficaces.

* un projet de développement d’une réelle consommation de masse, c'est-à-dire la mise à disposition de biens de consommation courante, de bonne qualité.

Ce point implique que tout accroissements dans la section I doivent entraîner des investissements dans la section II, ayant pour conséquence un ralentissement du rythme d’investissement dans la section des biens de production. C’est la réel voie vers le fordisme.

*La mise sur pied d’adaptations industrielles efficientes et effectives.

* Un certain amendement quant aux garanties de l’emploi.

Jusqu’ici c’est en Hongrie que le processus taylorien a connu le plus de succès, du mois relativement, mais ce succès s’explique par un contexte assez sensiblement remanie comparativement aux autres E. T. S. orthodoxe.

D’une part, l’autonomie de l’entreprise accrue a permis une plus grande souplesse d’intégration dans l’appareil productif , les quantités produites et le cadre rigide de la planification centralisée et leur qualité s’en ressente , étant donné que la firme évolue non plus dans le cadre rigide de la planification centralisée et impérative mais dans un cadre où une place importante est donnée en feed-back entreprise- centre, et tant au niveau de l’écoulement qu’à celui de l’approvisionnement, l’avis , les décisions de l’entreprise considérée. La consommation de masse a connu un essor non négligeable, il semble donc que le fordisme réel ne soit pas très loin .

Mais des limites subsistent notamment au niveau du marché de l’emploi, la liberté présidant à une allocation optimale n’est pas encore accordée.

Là se-t-elle un jour ? Théoriquement, la Hongrie n’est, du moins pas encore, la vraie référence, il reste à dépasser ce stade pour que le taylorisme fordisme soit effectivement réalisé dans les E.T.S.

Est-il possible de dépasser cette limite ? Nul ne semble pouvoir actuellement répondre à cette interrogation bien qu’on puisse penser qu’un processus inéluctable soit engagé et de sa réussite ou de son échec, dépendra la réponse à la question ainsi posée.


M. Sanoussy DABO

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